Verres optiques
& verres dichroïques
Véronique JOUMARD
Cathédrale Notre Dame de Bayeux – Bayeux (14)
C’est le projet de l’artiste plasticienne Véronique Joumard qui a été retenu pour la réfection des baies du transept de la cathédrale de Bayeux. Il n’y a presque rien d’étonnant pour une artiste dont l’œuvre s’articule autour des phénomènes physiques et optiques de la lumière de s’engager dans ce type d’expérience esthétique et poétique.
Pas d’iconographie figurative, seule la lumière naturelle compte; une lumière décomposée et transcendée grâce à diverses prouesses techniques encore jamais appliquées dans un édifice religieux.
Il fallait donc trouver une corrélation entre deux langages: celui du verre et celui de l’artiste. Faisant ce pont entre volonté artistique et contrainte technique, nous devions inventer un mode de réalisation qui dépasse les présupposés de notre pratique du vitrail. C’est sur ce rapprochement permanent entre deux processus de création – celui de Joumard et celui de notre atelier – que réside le caractère innovant des œuvres de la cathédrale de Bayeux.
DES VERRES DICHROÏQUES POUR PROJECTIONS COLORÉES
La couleur est présente par touches et se localise principalement au niveau des tympans et des polylobes circulaires situés dans les parties hautes des baies. Chaque pièce est composée de 170 morceaux de verre dichroïque colorés et de verre antique soufflé bouche que nous avons dû renforcer par un verre flotté avant assemblage.
Mis au point par la NASA pour ses satellites, le verre dichroïque a la particularité d’avoir des couleurs qui varient en fonction de l’angle de vue, de la lumière et sont visibles aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la cathédrale. L’un de nos véritables tour de force sur ce projet est d’avoir créé, avec Simon Ballah de la Verrerie St Just, un verre inédit, le « Violet de Bayeux », plus foncé que le violet de base, pour répondre à la palette chromatique des maquettes de Joumard.
DES PRISMES DE VERRE POUR RÉFRACTER LA LUMIÈRE
C’est la forme et le procédé d’insertion des prismes de verre qui reprennent la forme d’un diamant qui ont induit le dessin des vitraux. La multiplicité des facettes permettait de réfracter les rayons lumineux qui se projettent en arc-en-ciel sur les murs de l’édifice. La mise au point des prismes a été rendue possible grâce à l’Institut d’Optique de Palaiseau; leur forme ayant été pensée en fonction des caractéristiques du lieu, leurs propriétés optiques et de l’échelle des grandes fenêtres. Leur taille a ensuite été confiée au verrier Ludovic Sauvetre de l’atelier le Rêve d’Odul.
Les prismes sont sertis dans du verre antique soufflé à la bouche par la verrerie de Saint Just et légèrement bullé afin de donner de la matière à la transparence. Chaque prisme se trouve à la croisée de deux lignes – l’une verticale, l’autre horizontale – sur chaque fenêtre. Le traçage des lignes varie en fonction des baies ce qui donne l’impression de lire une partition musicale.
Neuf baies ont actuellement été installées. Notre atelier, entouré des compétences d’autres équipes d’artisans français, a su démontrer sur ce projet la dynamique et la capacité d’innovation de la création contemporaine sur verre. Ce chantier hors norme devrait se terminer en 2024, une année de travaux (maçonnerie + vitrail) étant nécessaire pour chaque façade travaillée.